Une histoire à raconter

Il commence à fraichir en terrasse, les tasses vides, le cendrier enfle; par inadvertance, la conversation s'enflamme, elle a cherché son temps tout le jour, silencieuse et insaisissable. pesante.  Ils ne savaient pas cette proximité. Elle s'est dévoilée: crue. A la faveur d'un clair-obscur. Charnelle. ils sont fébriles. Est-ce le froid? Eux qui jamais ne se livrent; supérieurs par essence, ils ne peuvent frayer avec le commun; les autres ne sont que mascarade. Ils s'agitent.

Leurs mots, insensiblement entrent dans une danse, en une valse, se libèrent des feintes habituelles. Etrange sensation. Ils ne se confient pas. Ils ne se confortent pas. Ils ne se ressemblent pas. Ils sont beaux, violents. Purs pour une fois. Cela suffit.

Seuls au monde, dans le cercle magique, ils se suffisent; maintenant ils chantent, à pleins poumons ils crient: quelle saveur a l'air qui les transperce! Ils vivent. Ils conversent aux étoiles. Ils se jouent de l'infini. Cela suffit.

Insensiblement, le cercle se brise. C'est dans l'ordre des choses. Dernier coup de balai, tasses et cendrier sont vidés; la rue reprend son droit. Anonymes, sans autre forme de procès.

La mascarade a cessée se dit le badaud. Le grotesque reste...cela fera une bonne histoire à raconter.