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13 mai 2009

de l'art des mots

On a souvent considéré que la richesse du vocabulaire était la source d’une communication plus riche. La naissance d’un vocabulaire spécifique, capable de définir des détails de plus en plus fins, permet de tenir un discours plus précis et donc plus direct. Cette croyance revient à dire qu’à chaque objet ou idée correspond un mot et que connaître le nom de la chose, c’est maîtriser celle-ci. Ainsi l’énumération de mots suffirait à évoquer des concepts et des univers qui seraient tout entier contenus dans l’amalgame de symboles et de sonorités.

 Ainsi on pourrait définir la stratégie ou l’identité d’une marque, d’une entreprise ou d’un pays en quelques mots capables de synthétiser des aspirations, une Histoire et un avenir. Si le pouvoir incantatoire du mot est indéniable, un message ne peut être tout entier résumé par un seul mot qui serait à la fois le résumé et le point de départ d’une réflexion. Les entreprises ont tendance à chercher autre chose que le mot seul car la volonté de synthétiser des activités globales et variées aboutissent à l’élaboration de valeurs passe partout que l’on retrouve sur tous les profils : Coopération, Ambition, Homme, Audace, Innovation, Progrès, Equité… Des concepts forts par leur capacité de synthèse et leur pouvoir évocateur mais parfois affaiblis par la fréquence d’utilisation. On peut répondre que l’exclusion de concepts permet quand même de comprendre l’orientation de l’entreprise ou on peut penser que l’entreprise ne pousse pas assez son vocabulaire et qu’elle pourrait aboutir à une sémantique plus spécifique et donc plus personnelle.

Allons plus loin, un mot est polysémique, c'est-à-dire qu’il n’a pas qu’un seul sens ou qu’il ne signifie pas une seule chose. En réalité, il prend sens dans son contexte. Ainsi, on peut comprendre de quelqu’un « qu’il est audacieux » s’il fait montre de courage et d’ambition ou « qu’il a été audacieux »s’il a été trop téméraire ou qu’il a eu les yeux plus gros que le ventre. On peut penser que l’entreprise y trouve un intérêt puisque la polysémie lui permet d’évoquer plusieurs univers par un seul mot et ainsi synthétiser ses activités et son profil. Cependant, certains mots ou concepts n’ont même pas de sens sans contexte ou même des significations contraires. Que penser de « Engagement » ? La définition est « l’action de mettre en gage quelque chose » mais son emploi varie selon  le contexte : on parle d’un accord passer entre deux personnes, mais aussi d’une action militaire, du fait de se faire recruter, d’un investissement dans une affaire, et même d’un contrat de mariage. Est-ce que l’entreprise est prête à perdre le contrôle du sens de ses valeurs ? Veut-elle forcément signifier tous les sens que comporte un mot ?

A cela nous répondons qu’il faut aller plus loin que la définition de mots isolés et qu’il faut les contextualiser dans une phrase faisant sens pour être le support d’un message. Quand on songe que Victor Hugo utilisait 22 000 mots, Racine 1 500 mots, Simenon 800 mots, on est obligé de conclure que de la maîtrise du vocabulaire ne dépend pas la richesse du message. Ainsi, nous pensons que la définition de l’identité d’une entreprise ou du pays ne se fera plus par un nuage de mots-concepts-valeurs  mais par une organisation de concepts entre eux. Que la force de la détermination d’une entreprise ne se fera pas par l’émiettement de son activité en mots mais qu’elle réunira les mots en un message simple et clair qui démontre la cohérence des concepts entre eux. Que la détermination d’un profil par quatre valeurs pourrait être plus riche si elle se faisait par une phrase qui reprenne et enrichisse les valeurs en les organisant entre elles.

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13 mai 2009

La maîtrise de l'image médiatique

Dans notre monde médiatisé, les prises de parole se multiplient. Entreprises, administrations, associations, groupes de pressions, syndicats, citoyens, etc., tous s'expriment, tous tentent de diffuser leur message. Ce vaste jeu tournerait vite à la cacophonie sans l'apport des médias – presse, radio, télé et aujourd'hui internet – qui filtrent et organisent les contenus. Dans ce contexte, comment maîtriser son image ?

Le rôle des médias n'est pas neutre ; ils obéissent eux-même à des règles qui leur feront privilégier tel ou tel sujet, qui leur feront choisir telle ou telle prise de parole. Dans ce processus, les journalistes vont créer le sens de l'événement qu'ils traitent, en s'appuyant sur diverses sources : agences de presse, reportages, interviews…

Dans la plupart des cas, la présentation de l'événement sera très simplifiée, et se résumera à une opposition entre deux thèses, à une recherche de responsabilité, à la dénonciation de telle ou telle pratique. Cette simplification répond à deux impératifs : la scénarisation indispensable dans la recherche d'audience (une histoire cohérente et simple peut attirer le plus grand nombre), et la contrainte temporelle qui structure la plupart des médias (il faut faire court).

Dans ce cadre, la télévision occupe une place particulière. Même si son audience est aujourd'hui grignotée par l'internet, même si les jeunes développent de nouveaux modes de consommation des médias (portables, blogs), la télévision reste le mass-media de référence. Une seule émission en prime-time sur une grande chaîne apporte davantage d'audience que trente ans de conférences quotidiennes devant 200 personnes.

Formidable porte-voix, la télévision est cependant un outil délicat à manier. Si une maladresse devant 200 personnes ne porte pas toujours à conséquence, une pareille situation prend une tout autre dimension face à des millions de téléspectateurs. Une prise de parole à la télévision, c'est un cri dans la chambre d'écho médiatique. Qui n'a entendu, répétées à l'infini, les « petites phrases » lâchées ici ou là par certains ? Qui n'a pas connu les polémiques nées d'une expression malheureuses échappée d'un débat télévisé ?

Ce phénomène de larsen médiatique rend le reste du message inaudible, même s'il fut correctement délivré. Comme chacun sait, Michel Rocard a dit que « La France ne peut accueillir toute la misère du monde » ; mais qui se souvient que cette phrase continuait par « mais elle doit savoir en prendre fidèlement sa part » ?

Au-delà des paroles, la télévision est avant tout image, et les attitudes, les tics nerveux de tout un chacun sont mis à jour sans état d'âme ; ils iront alimenter les bêtisiers de fin d'année dont raffolent les chaînes. La télévision est aussi une mise en scène du corps. Prise de parole et attitude du corps sont d'ailleurs liés, et permettent aux téléspectateur de se faire une idée générale d'une personne (angoissée, sereine, sérieuse, comique…). Cet examen, le journaliste l'effectue aussi ; il est toujours à la recherche de « bons clients », des intervenants qui « rendent bien » à l'image et qui jouent le jeu médiatique (prise de parole courte, situations et arguments simples).

Avant d'aller dans un pays étranger, il est conseillé d'apprendre les rudiments de la langue, d'en connaître – même sommairement – les coutumes. Sans cette acculturation, le choc peut être grand, et conduire à des situations critiques. Le monde médiatique est un territoire qui a ses propres règles, son langage, ses enjeux, ses acteurs et ses publics. Les connaître, c'est éviter des pièges aux conséquences désastreuses ; c'est utiliser de façon pertinente la puissance du média pour diffuser son message.

Parmi tous les exercices médiatiques, la télévision est certainement le plus exigeant, celui qui demande le plus de maîtrise. De fait, être préparé pour la télévision, c'est être préparé, dans une large mesure, aux autres médias (presse, radio), ainsi qu'aux interventions en publics (conférences, séminaires, réunions).

5 mai 2009

Bouffe interplanétaire


Lors d’un très long voyage, il faut penser à plein de chose. Et à une en particulier : la bouffe. Ah oui, en plus il faut penser à la psychologie des spationautes, et prévoir des toilettes.

          

    Ben oui, ça paraît évident mais la bouffe, c’est indispensable. Et quand on envisage le voyage vers Mars, par exemple, et que le temps nécessaire pour rallier cette merveilleuse planète est de 6 mois, ça fait une sacré quantité de nourriture.
    Plus précisément 22 tonnes pour un équipage de 6 personnes. Sachant que chaque kilo embarqué vers la planète rouge revient à 20 000 €, ça fait vite cher le paquet de chocolat pour accompagner le café... Certes, on peut déshydrater, lyophiliser les aliments, ce qui fait passer à 2 tonnes le total nécessaire pour se remplir la panse. Mais cela ne fait que déplacer le problème : pour rendre mangeable les petits plats lyophilisés, il faudra prendre de l’eau. Précisément 20 tonnes, si on fait le calcul.
    Sauf que les 20 tonnes d’eau n’ont pas besoin d’être présente dans leur intégralité ; en effet, il est peu probable que les voyageurs se paient un gueuleton d’enfer et bouffent leurs réserves d’un coup. Ils vont plutôt prendre chaque jour une ration précise, ce qui permet de n’utiliser quotidiennement qu’une petite quantité d’eau. Et là, l’astuce est de recycler toute l’eau, ce que les Russes avaient fait dans leurs stations spatiales. Eau de la respiration, eau des ablutions, eau des excréments... traquer la moindre molécule d’H2O pour la réutiliser.
    C’est exactement ce qu’imaginent les ingénieurs qui réflécissent au voyage vers d’autres planètes. A un détail près : ils ne comptent pas recycler l’urine. Non pas que ce ne soit pas possible, mais ils craignent que ça ne soit pas psychologiquement bon. A tourner pendant 6 mois dans un vaisseau étriqué, sans trop rien à faire, penser que ce qu’on mange a été humidifié par l’eau recyclé de l’urine, ça doit peser. Mais c’est dommage, on aurait pu imaginer des dialogues du genre : "Dis donc, Jack, faudrait voir à se décoincer, parce que si tu continue à te retenir, on aura pas assez d’eau pour le cassoulet de dimanche" ou encore "ho la la les gars, je me suis lâché, on peut en prendre un peu plus ce midi." Et peut-être serait apparue l’expression "pisser dans un chaudron", antithèse de "pisser dans un violon".

23 avril 2009

Il était grand, il était beau...

LE VOLONTAIRE ÉTRANGER DE 1914

Le monde entier disait : la France est en danger
Les barbares demain, camperont dans ses plaines
Alors, cet homme que nous nommions "l'étranger"
Issus des monts latins ou des rives hellènes

Ou des bords d'outre-mers, s'étant pris à songer
Au sort qui menaçait les libertés humaines
Vint à nous, et s'offrant d'un cœur libre et léger
Dans nos rangs s'élança sur les hordes germaines

Quatre ans, il a peiné, lutté, saigné, souffert !
Et puis un soir, il est tombé, dans cet enfer...
Qui sait si l'inconnu qui dort sous l'arche immense

Mêlant sa gloire épique aux orgueils du passé
N'est pas cet étranger devenu fils de France
Non par le sang reçu mais par le sang versé.

Pascal BONETTI - 1920

14 avril 2009

Les assureurs se cachent pour mourir

Tout le monde doit mourir. C’est comme ça. La question est : à qui dois-tu donner ton pognon avant de mourir ? Les assureurs ont la réponse.

Le facteur ne passe chez moi que vers 11h du matin, ce qui m’a évité de lire la missive suivante au petit déjeuner. Le thé aurait eu un drôle de goût, tiens. Donc vers les 11 heures, j’ouvre une lettre de ma banque, et voici ce que j’y découvre [plus mes commentaires] :

« Cher Sociétaire, [ils n’ont pas dû regarder mon compte avant d’écrire cela]

L’une des priorités du Crédit Mutuel Nord Europe est de répondre efficacement à vos besoins en matière de sécurité financière. [Déjà, là y’a un concept qui m’échappe : comment une banque peut-elle assurer une sécurité financière, elle qui ne produit pas d’argent mais se contente de prendre celui des gens comme vous et moi ?] Nous avons donc conçu spécialement pour nos Sociétaires une protection indispensable : la garantie CMN Accident. [Si elle est indispensable, il ne faut pas la proposer, il faut l’imposer, voyons !]

Aujourd’hui, nous sommes heureux de vous offrir une garantie d’un montent de 1 000 € en ces de décès accidentel. Ceci sans aucuns frais pour vous, les cotisations seront payées par nos soins. Dans le monde incertain dans lequel nous vivons, la garantie qui vous est offerte est une précaution de plus. [J’ai quelques questions, là. Pourquoi le monde est-il incertain ? Pourquoi dois-je faire appel à une banque pour pallier le fait que je suis mourut ? Qui donc profite d’un système où l’argent est indispensable ? Je vous laisse réfléchir.]

Nous n’aimons pas y penser, mais un accident peut arriver à n’importe qui, n’importe quand. Le fait est qu’en Rance, toutes les 17 minutes, une personne décède à la suite d’un accident. [ha mon dieu, et en plus, parmi tous ces macchabées, je suis sûr qu’il y en a plein qui ne sont pas au CMN, c’est horrible] Malheureusement, rares sont les Français qui sont suffisamment assurés contre les conséquences financières résultent d’un accident fatal. »

Oui, je le reconnais, je ne suis pas assuré contre les conséquences financières d’un décès fatal. Pour la bonne raison que je m’en fous, puisque si je suis mort je ne serais plus là pour compter mon argent.

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8 avril 2009

Défrayer la chronique

C’est un terme employé fréquemment par les journalistes, et qui révèle pourtant bien autre chose que son sens premier.

Qui n’a lu, vu, entendu « défrayer la chronique » ? Exemples :
-  « L’affaire Plame concerne la révélation, par l’administration Bush, du nom d’un agent secret de la CIA, Valerie Plame, pour discréditer son mari, très critique sur la guerre en Irak. Ce scandale a défrayé la chronique pendant deux ans. » Backchich
-  « Méconnu il y a à peine un an, le fils cadet du président de la République a défrayé la chronique à plusieurs reprises Après ses déboires en deux-roues et sa carrière avortée sur les planches, il s’est illustré dans une intrigue politique à Neuilly. » Le Monde
-  « Accor, dont la grève des femmes de chambre a, durant de longs mois, défrayé la chronique, sert à son tour du café Max Havelaar au bar de ses hôtels. » Le Monde Diplomatique

Du sens dans tous les sens

Si l’on s’en tiens au sens de l’expression, tel que donné par le Trésor de la langue française, « Défrayer la chronique », c’est « occuper le centre des propos, des conversations », « faire abondamment parler de soi, constituer le sujet essentiel de ». On comprend bien l’utilisation dans les exemples ci-dessus. Mais si l’on décompose l’expression, « chronique » se rapporte au recueil de faits réalisé dans les journaux (radios, télévisés ou écrits) et ne prête pas à confusion, alors que « défrayer » peut avoir deux sens :
-  « Donner à quelqu’un, à quelque chose la matière qui correspond à son activité, à son contenu », qui est le sens utilisé dans l’expression,
-  « Payer, rembourser à quelqu’un les frais correspondant à quelque chose », qui est le sens premier de défrayer.

Qui est défrayé ?

Or, la chronique, ce sont les journalistes, ceux qui rapportent l’événement. Quelque chose qui défraye la chronique, cela peut se comprendre à la fois comme quelque chose qui fait l’événement, et quelque chose qui paie ceux qui rendent compte de l’événement. Cette expression souligne le conflit d’intérêt qui existe entre l’événement et ceux qui en rendent compte : la plupart des médias actuels, basé sur la recherche de profit, ont intérêt à ce que des événements défraient la chronique (soient largement diffusés) pour que ces événements défraient la chronique (la large diffusion implique plus de vente - de journaux, de pages de publicité... - et plus de revenus).

Naïveté

Finalement, l’emploi de cette expression par les journaliste relève du candide, du naïf ; ils révèlent ainsi un des rouages de leur travail, la nécessaire spectacularisation de l’information pour obtenir plus d’audience et de profit. Ce n’est pas un constat extérieur, car le journaliste n’est pas un spectateur de la « chronique », il en est acteur ; il construit l’événement en faisant cet annonce. [1] Et de fait, en construisant l’événement, il construit également son revenu... vous avez dit liaison dangereuse ?

             

[1] Un journaliste qui dit qu’un événement défraye la chronique, c’est comme l’officiel qui baptise un bateau : le dire fait exister le fait.

6 avril 2009

Que faisons-nous au Hub exactement? dans l'idéal cela serait...

Communication, communiquer...qu'avons-nous en commun sinon notre désir de communiquer? De quelle culture que nous soyons, de quelle nationalité, quelle que soit notre histoire, nous avons en commun notre désir irrationnel et viscéral d'échanger, de partager nos idées. De toutes les espèces ayant existé ou existant sur Terre nous sommes celle qui s'est, et de loin, la mieux adaptée aux conditions pas toujours simples de la vie et cela en partie grâce au langage.

Plus qu'une langue, une langue développée, riche d'une grammaire sinueuse, opulente des exceptions torturées, parsemée d'expressions ingénieuses, offrant toute une palette surchargée de synonymes, parfois choisis seulement pour la beauté d'une sonorité, la facilité d'une symétrie, d'une fluidité.

Ainsi, dans notre travail, nous utilisons le langage, nous le manions, le tournons à l'avantage de nos clients, mais avant toute chose, c'est à notre avantage que nous le remanions, celui de notre plaisir de jongler avec les mots. Car que peut-il avoir de plus gratifiant que celui d'explorer la profondeur de chaque mot, de mesurer le poids de chaque signification, puis de composer avec la sonorité afin qu'aucun paragraphe ne dépasse un autre en idée ou en musicalité, dans une parfaite symétrie. Artisans des mots, nous les refaçonnons, les revêtons de significations inattendues, permettant à l'esprit, dans la mesure du possible, de parcourir les différents univers sémantiques. Et derrière chacun des mots, ce sont des mondes de sentations que nous livrons, espérant une connivence avec le lecteur, tendant la main dans l'espoir d'une communion d'âme. "Voici mes mots; voici mes trésors; voilà comment je m'exprime; voilà qui je suis"... Non, les mots ne déguisent pas la pensée pour celui qui les utilise avec franchise et honnêteté. Pas plus que les mots ne trahissent la pensée de celui qui les fait vivre à leur juste mesure. Quelqu'en soit le débat, quelle importance de toute façon? Car les mots, c'est encore ce que nous avons de plus beau pour aller à la rencontre de l'autre, le client.

6 avril 2009

A méditer

"Un jour on est coq, le lendemain plumeau"

(Mad Max beyond the thunderdome)...comme quoi...

1 avril 2009

Gaspard-Odilon de M...

Gaspard-Odilon de M... était un petit aristocrate, avec des prétentions artistiques. C’était de la sculpture dont il s’était entiché. Dans ces années 1860, à Paris, il avait réussi à se faire un ami du sculpteur Aimé-Jules D..., quoique leurs opinions politiques divergeasse profondément. Mais il avait ainsi accès à l’atelier d’Aimé-Jules, et discourait passionnément sur les formes et les matières avec le sculpteur.

L’obsession de Gaspard-Odilon de M... était les formes géométriques, et plus particulièrement la sphère et le cylindre. « Les deux formes parfaites », aimait-il à répéter. Il en coulait de nombreux exemplaires, en bronze ou en cuivre, de taille diverses. Il se mit un jour à vouloir marier les deux, multipliant les objets étranges munis de cylindres et de sphères, ressemblant parfois vaguement à des systèmes planétaires, d’autres fois à de grotesques altères. Le front soucieux, il marmonnait « deux formes parfaites doivent se combiner en une forme parfaite », et retournait à ses croquis ou à ses moulages.

C’est le 9 janvier 1870 qu’Aimé-Jules le vit débouler chez lui, en grande agitation. « J’ai réussi, s’exclamait-il, la forme parfaite ! La forme parfaite, Aimé ! » Il en avait le visage rouge, était tout essoufflé d’excitation. « Bien », répondit Aimé-Jules, qui ne portait que peu d’intérêt à ces recherches laborieuses. « Je verrai cela demain. »

Mais le lendemain, un certain Yvan Salmon, dit Victor Noir, mourait dans des circonstances tragiques. Une mort qui fut suivi par des troubles divers dans la ville. On grondait contre Napoléon III. Aimé-Jules ne put se rendre à son atelier le 10, ni le 11. Le 12 eurent lieu les funérailles, rassemblant pas moins de 100 000 personnes, auxquelles se rendît le sculpteur. Lorsqu’il finit par revenir à l’atelier, le coin que s’était ménagé Gaspard-Odilon était curieusement vide. Plus personne ne le revit à cette adresse. Apeuré par les rumeurs de soulèvement, il avait sans doute regagné sa province pour s’y terrer en attendant que la révolution se passe.

Ce ne fut que 11 ans plus tard, en rangeant l’atelier, qu’Aimé-Jules trouva une petite forme enveloppée dans du papier. L’emballage, pas même raide, semblait avoir été roulé la veillé ; il était couvert de croquis. « La forme parfaite ! Le nombre d’or ! » y avait-il écrit en lettres rouges, et dessinée à la mine de plomb, une forme oblongue, constituée d’un cylindre aux extrémités duquel se collaient deux demi-sphères de même rayon que le cylindre. Aimé-Jules compris assez rapidement que le rayon du cylindre et des sphères correspondait au nombre d’or, soit 1,618, et que la longueur du cylindre valait 10 fois son rayon.

« Satané numérologiste », maugréa-t-il en prenant la forme en main. C’était là un travail soigné, il devait le reconnaître. L’objet était beau, lisse, pesant, et se calait merveilleusement dans la paume. Chose curieuse pour un bronze, il paraissait chaud. En l’examinant, Aimé-Jules remarqua qu’une des extrémités, au lieu d’arborer le vert sombre de l’oxydation, avait les reflets fauves du métal tout juste coulé. « Tout juste coulé, ou mille fois frotté », pensa-t-il en reposant la forme sur l’établi. « Bon, assez rêvassé, nous avons du travail ! » lança-t-il à son assistante. « Nous devons nous occuper de ce gisant à la mémoire de Victor Noir... »

Le sculpteur ne remarqua pas le pourpre sur les joues de son assistante, pas plus qu’il ne prêta attention à son coup d’œil furtif vers la forme de bronze. Un rayon de soleil fit apparaître, gravée suivant l’axe du cylindre, une inscription usée mais encore lisible : « G. O. de Michet ».

29 mars 2009

Venise ou Paris, De Banville ou Musset, la ville et la poésie, juste pour vous donner envie de connaître leurs poèmes

29 mars 2009

Nombres d’écrits célèbrent la beauté des villes, l’affaire est entendue. Nombre de poètes se sont penchés sur ces rassemblements d’architectures diverses qui leur ont inspiré des œuvres impérissables. Ce besoin d’écrire, de chanter la beauté, les caractères de la ville est différemment éprouvé par chacun des artistes. Devrait-on ne voir là que l’orgueilleuse célébration du génie humain qui, de l’animal qui s’est dressé sur ses pattes, est devenu un être évolué, capable d’ériger des monuments défiant le ciel et la gravité ? Ou devrait-on sourire devant ce même génie capable de prendre suffisamment de recul pour trouver du lyrisme au sein même des ouvrages qu’il a créés ? La ville inspire, parle aux poètes, éveille sa sensibilité au même titre que la nature. C’est sans doute dans le courant romantique que la ville a trouvé ses meilleurs admirateurs. Parmi eux, deux poètes de renom ont su se démarquer et offrir à la littérature française les plus beaux vers en hommage à une cité aimée.

            Figure de la bohème artistique, chef de file des jeunes poètes dont les Parnassiens, Théodore De Banville est un amoureux inconditionnel de Paris qui l’a vu grandir. Avec son poème La ville enchantée il rend un vibrant hommage à cette ville qui est, avec ses mots de poète, un « pays de soleil, d’or et de terre glaise ». La ville enchantée est un poème composé en alexandrin. Son introduction est pour le moins inattendue si l’on en juge par le vocabulaire employé par le poète : « Il est de par le monde une cité bizarre ». Dépassé cette première phase qui pourrait laisser supposer un malaise, le poète se ressaisit et donne la pleine mesure de son talent de romantique. Car Théodore De Banville était un parnassien romantique, pris dans le mouvement naturiste qui prédominait son époque. Prenons pour preuve toutes ces descriptions dont il a pris soin de parsemer son poème  dont les « …palais taillés dans les mélèzes verts ». Gagné par la fièvre romantique, Théodore De Banville donne, à travers ces quelques pieds des vers débordants de lyrisme, toute sa force émotionnelle.

            Le lyrisme est l’expansion de l’individualisme. Le poète est avant tout homme mais un homme sachant mettre en avant sa sensibilité, ses émotions en exploitant cet individualisme. L’ensemble du poème fait penser à un chaos. Chaos d’abord mais d’où sortira une organisation nouvelle. A travers moult détails, c’est un Paris pittoresque que le poète présente à nos yeux, en réveillant la sonorité et le rythme (notamment avec des sifflantes dans le premier et le troisième strophe : cité, Plutus, cigarette, souper puis essaim, cent fois, satin, rousses), condamnant la métaphore, accordant une place importante à l’image, qui n’est pas un procédé d’écriture mais une façon de sentir. Avec La ville enchantée Théodore De Banville s’est arrêté au vocabulaire, élargit, réintègre tous les éléments populaires que le goût classique avait exclus. Les images qu’il présente sont insolites, déconcertantes et c’est une balade à travers un Paris enchanté que le poète propose au lecteur. Les alexandrins, organisés en quatrains, accordent une harmonie sur la symétrie et s’opposent tout à fait au chaos d’images et de couleurs que De Banville semble jeter en vrac à travers toute l’œuvre.

            Une ville n’est vivante qu’habitée par des habitants et ces habitants, De Banville les a voulu sortis des mythologies, du passé, pour souligner davantage le côté enchanté de ce Paris que son imagination recrée. Plutus, Lazare, Cyrano, Cagliostro, la Belle au bois dormant, le chat Murr, la Chinoise, la reine Cléopâtre, Lauzun, Alcibiade, Richelieu, les Nymphes, autant de personnages hauts en couleurs qui représentent les monuments de Paris à travers les yeux rêveurs du poète. Les richesses, les ors (Plutus) côtoient le miracle de la résurrection (Lazare) auprès d’un personnage épique (Cyrano) et un représentant du roman historique français (Cagliostro et l’affaire du collier de la Reine) etc. Autant d’époques différentes pour souligner le Paris éternel.

            L’itinéraire est tout tracé pour une visite guidée de la capitale. De la gare du Nord et ses personnages, De Banville nous emmène jusqu’à la gare Saint Lazare, suivant un chemin habité d’étranges créatures, plus fantastiques les unes que les autres. Tous les personnages sont patiemment étudiés, pour faire jaillir tous les détails de leur individualité, de « La Chinoise rêveuse, assise dans la jonque » à « La reine Cléopâtre, en sa peine secrète ». Mais les personnages ne sont pas les seuls qui enrichissent ce poème. Le verbe sautillant, le vocabulaire chargé de couleurs sont autant d’éléments qui habillent ces vers de rêves. Le tortillage d’images à travers une souplesse étonnante dans la versification permet au romantisme de De Banville d’aboutir à la plus étincelante et stérile fantaisie. C’est un acrobate qui se révèle dans La ville enchantée, errant comme un funambule, dansant sur ses sens, ses émotions, les couleurs perçues. Tout naît de l’allure des mètres et du jeu des rimes que le poète jongle avec maestria. La ville prend des airs de monde fantasmagorique dans l’imagination du poète :

            «  Les centaures fougueux y portent des badines ;

                Et les dragons, au lieu de garder leur trésor,

                S’en vont sur le minuit, avec des balandines,

                Faire un maigre dîner dans une maison d’or ; »

            Tous ces personnages perçus dans un parc et transformés par l’imagination du poète nous éloigne d’un Paris que tous pensent connaître. Tous ces détails font de De Banville l’un des grands peintres de la littérature française, par la fine ou forte justesse des tons avec lesquels il fixe les plus mobiles, les plus étranges aspects de la ville. 

            Une autre ville éternelle, Venise, a jadis attiré l’attention d’un autre poète français, Alfred de Musset, qui lui a consacré des vers libres de toute convention stylistique, proche de la prose qui viendra, dès 1850, occuper toute la scène littéraire française.

            Poète des Nuits mais également des pièces de théâtre dont le Lorenzaccio, Musset se distingue totalement des Parnassiens, représentés entre autres par De Banville. Enfant prodigue puis adolescent brillant, il entre à l’Académie française à quarante-deux ans. Rongé par l’alcool, habité par des hallucinations, il décède à l’âge de quarante-sept ans après avoir offert à la littérature française les plus beaux poèmes du dix-neuvième siècle.

           Le choix d’un poème de Musset après celui de De Banville se justifie par la différence de leur genre d’écriture. De Banville est un Parnassien et La ville enchantée est avant tout un poème basé sur le naturisme tandis que Musset est un poète issu du théâtre romantique. Contrairement à La ville enchantée qui respecte les règles fondamentales des alexandrins, Venise est un poème à mi chemin entre la sextine et les vers à quatre pieds organisés en quatrains. Musset s’attache davantage à l’architecture de la ville qu’à ses habitants. Les palais antiques, les graves portiques, les blancs escaliers, les ponts, les rues, le palais du vieux doge, le Venise de Musset est avant tout un tableau que le poète a savamment mis en scène avec l’œil d’un homme de théâtre, créant une atmosphère palpable, exquise, de la plus pure essence imaginaire qui n’est pas autre chose que l’exacte représentation de ses divers états de sensibilité. Il nous offre une vision d’architecte, d’amoureux de la pierre, des formes, et fait participer tous les monuments à sa rêverie contemplative pour finalement ne plus se concentrer que sur l’objet de son cœur.

            Ainsi est la poésie de Musset : un instinct scénique qui déborde des cadres établis, une vision globale qui se resserre au fil des strophes, au fil des pieds, pour finalement se fixer sur la femme aimée. Et pour chanter son amour, sa passion, il fallait à ce poète hors norme un cadre grandiose, Venise, lieu de prédilection des amours éternelles.

            La Venise de Musset est un tableau enchanteur où tous les éléments s’unissent pour dessiner une scène attendrissante. Loin du peintre De Banville, le poète Musset dénombre, s’attarde sur le mouvement, l’œil collé derrière une caméra imaginaire :

            « Et les ponts, et les rues,

               Et les mornes statues,

               Et le golfe mouvant

               Qui tremble au vent »

            La palette de Musset est pleine de couleurs, apportées par les images choisies : Venise la rouge (passion), le pied d’airain (noblesse), les blancs escaliers (pureté), le masque noir (mystère), mais aussi par des allusions (la lune, le nuage, le muguet, la bouche de la femme aimée que l’on devine rouge). Quelques mots de passion profonde, quelques poussées de mélancolie simple et voilà le lecteur propulsé à travers une ville endormie. Point de présentation inutile car se peut-il qu’il existe de par le monde civilisé un homme qui ignore ce qu’est et que ce représente Venise ? Débarrassé de détails futiles, le poète se concentre sur l’objet de ses désirs, avec un usage original et charmant de la forme dramatique dont il a su s’entourer à travers les strophes décrivant les beautés de Venise. Musset a choisi Venise comme cadre pour abriter ses amours, soulignant davantage le symbolisme que cette cité représente aux yeux du monde entier. La rhétorique est sincère mais le verbe est court, haletant, comme la course de cet amoureux vers sa belle. Venise lui apparaît alors comme dans un rêve. Cité des doges ou cité des amoureux, la plume de Musset fait ressortir les propriétés éternelles et l’immuable essence de l’amour. Curieusement, la tragédie est absente. L’auteur des Nuits, l’auteur de « les plus désespérés sont les chants les plus beaux » aurait-il voulu préserver la douceur de Venise de toute forme brutale de la passion ?

           Si De Banville promène ses errances à travers sa ville enchantée sans autre but que celui de dérober la beauté des lieux à la nuit tombée, Musset poursuit sa course dans la nuit pour rejoindre sa belle. Deux poètes, deux courants littéraires différents mais une seule et même aspiration : célébrer la beauté de leur ville de prédilection avec des mots, leurs uniques richesses. Le talent littéraire est là et nous force à reconnaître le triomphe de la stylistique, finement ciselée, de ces deux poètes qui se rejoignent à travers leur rêverie profonde. La ville exulte de beauté à travers leurs mots, à travers les sonorités, les images évoquées, presque peintes. Qu’ils soient Parnassien ou simplement romantiques, le poète est sans doute, de tous les artistes, celui qui retranscrit le mieux la beauté de nos villes, et nous rappeler à la magnificence que le quotidien a fini par banaliser. Plus que des styles, n’est ce pas là, simplement, de l’Emotion ?

La ville enchantée de Théodore De Banville 

Venise d’Alfred de Musset

   

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